Tricot entre ami.e.s ~ Marie Sterlin
Toujours fascinés par les parcours créatifs des uns et des autres, nous avons commencé à demander à nos ami·e·s de partager leurs expériences sur ce blog.
Aujourd’hui, on en apprend plus sur Marie Sterlin, ou esmevan sur Ravelry.
J’ai eu un gros coup de cœur pour Marie, son grand sourire, son rire éclatant et sa bonne humeur contagieuse.
Nous sommes devenues amies instantanément. Marie est aujourd’hui l’une des personnes avec qui je peux discuter d’absolument tout et nous nous rejoignons beaucoup dans nos valeurs et dans notre vision de la vie.
Entre autre, nous discutons beaucoup sur la diversité dans l’univers du tricot. Nous échangeons des articles, des références de séries ou de documentaires pour nourrir notre conversation.
Marie est recherchiste et documentariste et vous invite à découvrir son plus récent projet avec Emmanuelle Walter, Gentriville, une expérience interactive qui aborde à travers l’exemple de quelques quartiers montréalais les diverses facettes de l’embourgeoisement, ce phénomène qui touche toutes les grandes villes du monde.
Bonne lecture!
Tout d’abord, racontez-nous un peu plus sur toi.
J’habite à Montréal dans le Mile End et je travaille dans le domaine de la recherche, du documentaire et de la rédaction.
Le tricot est essentiel dans ma vie, il me ramène à un aspect moins cérébral de la vie. Sinon, j’ai une fille, une adolescente de seize ans pour qui j’ai tellement tricoté lorsqu’elle était petite, mais hélas, elle ne me demande plus rien qui soit fait à la main. Ça reviendra, j’imagine. Au pire je pourrai faire ce que je veux pour ses enfants !
Quand j’ai repris le tricot alors que j’avais appris à l’ancienne avec quelqu’un qui te montre, j’ai été fascinée par l’importance des communautés autour du loisir. Ces gens qui se retrouvent après le travail ou le week-end pour tricoter dans les boutiques ou les cafés.
J’ai trouvé ça fascinant et je suis devenue membre de groupes (dont Stitch and Bitch et Tricopains et Tricopines).
Je ne me suis cependant jamais étonnée d’y voir peu de personnes de la diversité alors que j’en suis.
C’est un questionnement que je débute au moment où je réfléchis à la place du tricot dans ma vie. Le débat nous interpelle différemment à Montréal qu’il semble le faire dans de grandes villes américaines, mais je trouve très intéressant de le suivre.
Quel est votre parcours de tricot personnel?
Ma sœur jumelle m’a appris à tricoter lors d’un long voyage en train en Gaspésie, j’avais quatorze ans. J’ai beaucoup tricoté par la suite.
Je faisais toutes sortes de projets dont du jacquard, des pulls assez compliqués pour ma meilleure amie, des couvertures, des foulards, etc.
C’était l’époque où pour trouver de la laine à Montréal, on allait vers Pingouin et Phildar.
Après, j’ai ralenti parce qu’il y avait moins d’endroits et d’occasions, mais avec l’ouverture de boutiques indépendantes, j’ai repris ma passion et je suis devenue – hélas ! – une accro des beaux fils de nos artisans indépendants. De plus en plus, mes doigts sont exigeants…
Avez-vous un gadget de tricot dont vous ne pouvez pas vous passer ?
Je viens de découvrir les cahiers pour recenser mes projets ! J’adore aussi les marque-mailles.
Combien de projets en cours y a-t-il sur vos aiguilles en ce moment ?
J’en ai trois. J’aime finir vite ce que je commence.
Quel est votre livre favori non lié au tricot?
J’adore l’écrivaine Annie Ernaux, elle a écrit sur tous les événements ou expériences intimes de sa vie. Une femme sur sa mère, La place sur son père, L’occupation sur son avortement entre autres.
J’ai un immense amour pour Paul Auster dont j’aime les personnages, la sensibilité et le Brooklyn. Je lis aussi beaucoup d’essais sur la gentrification, Gentrifier de John Joe Schlichtman ou Gentrifications un collectif français sur le thème.
C’est à la fois mon sujet de prédilection et d’expertise depuis que j’ai fait un documentaire sur la question, j’aime réfléchir à cette question de nos quartiers populaires qui deviennent convoités du jour au lendemain.
Avez-vous un talent caché?
Je sais enseigner le tricot même si je ne suis pas patiente et que je ne connais pas tant de choses que ça. Un jour, une amie qui avait une boutique et qui vendait, entre autres, de la laine m’avait demandé de donner des cours.
J’avais résisté en lui soulignant que je n’avais pas énormément de connaissances en la matière, ce à quoi elle m’avait répliqué qu’enseigner ce n’était pas tant de passer des compétences qu’une habileté à soutenir celui qui fait l’apprentissage.
Depuis neuf ans, je donne toutes les semaines des cours de tricot aux enfants de l’école de mon quartier. Je dois reconnaître que mon amie – je l’avais trouvée bien ésotérique à l’époque ! – avait raison.
C’est fascinant de voir les enfants apprendre et de constater combien c’est important de valoriser chaque petite réussite pour qu’ils intègrent la leçon.
Que vous apporte le tricot? En quoi change-t-il votre vie?
Je ne crois pas avoir jamais passé une journée sans tricoter depuis vingt ans au moins. C’est un plaisir à la fois égoïste et altruiste vu que je tricote beaucoup pour les autres.
Je ne suis pas une tricoteuse de défis, je reste beaucoup dans mes zones de confort, sauf qu’une fois de temps en temps je me lance un défi et je travaille sur le perfectionnisme, la patience et la minutie qui ne sont pas des tendances de fond chez moi.
Je choisis alors un patron qui présente des difficultés que je n’ai jamais rencontrées. Donc le tricot me détend toujours et parfois, il me pousse à explorer mes limites.
Quel est votre patron favori lorsque vous tricotez un article à donner en cadeau?
La tuque Rikke de Sarah Young, elle va à tout le monde. J’ai trois amis, deux gars et une fille, qui sont nés en septembre et l’an dernier lorsqu’on les a tous fêtés ensemble je leur ai fait une Rikke à chacun avec la Leizu Fingering.
Quelle joie de voir leur réaction, ils étaient enchantés. Elle allait parfaitement aux trois. Et j’adore tricoter des tuques même si j’en mets très peu souvent.
On visite votre ville (Montréal, QC). Quels sont vos endroits favoris?
J’adore Montréal et ses quartiers. J’ai de la difficulté à choisir un endroit, mais c’est certain que j’aime le Mile End où je vis et que Le Jardin du Crépuscule, l’oasis qu’a créée mon ami sculpteur Glen LeMesurier juste au bord du chemin de fer à l’entrée du viaduc Rosemont, m’enchante.
Les plus beaux couchers de soleil sont là dans ce terrain où on retrouve une quarantaine d’immenses sculptures en métal recyclé.
Sinon je viens de découvrir le joli café Le Toledo sur la rue Mont-Royal (au coin de Drolet) et plus loin à l’est, tout le monde devrait aller voir la fromagerie Bleu et Persillé sur Mont-Royal (au coin de Chambord).
La Grande Bibliothèque au coin de Berri et de De Maisonneuve est un lieu d’une richesse incroyable. Des livres, une vue et des fauteuils, que demander de mieux.